Au fil des années, la chasse à l’orignal ne cesse de gagner en popularité au Québec. Notamment, les guides et les formateurs Jason Tremblay Morneau, Sylvain Morin, Dany Lavoie, Charles Dorris et plusieurs autres contribuent à l’éducation des chasseurs d’orignaux. Ces passionnés transmettent leurs connaissances et leur passion commune pour le roi de nos forêts. Au cours des dernières années, j’ai beaucoup appris de certains d’entre eux et cela m’a permis de devenir un meilleur chasseur. En 2023, j’ai vécu probablement l’une de mes plus belles expériences vécus à ce jour. Dans cet écrit, il sera question de ma plus récente sortie de chasse à l’orignal en famille.
Mise en situation
Ma chasse 2023 avait lieu sur notre territoire familial dans la zone 27. Globalement, cette zone de chasse a été touchée par une baisse significative du cheptel dans la dernière décennie. La tique d’hiver, la prédation exercée par les loups et les coupes forestières près des lieux de ravage ont tous été des facteurs qui ont contribué au déclin. Malgré cette situation, j’ai redoublé d’efforts afin d’être prêt pour mon périple à la fin septembre.
Prospection et préparation du territoire
Dès la fonte des neiges, j’ai attaqué la forêt de pieds fermes pour bien connaitre les habitudes des cervidés et surtout pour découvrir les vestiges faits par les mâles du secteur. Dans mon cas, j’ai arpenté les montagnes et les coupes forestières en régénération dans le but de cerner les canaux de déplacements du gibier. Dès le mois de mai, je n’ai pas hésité à installer une vingtaine de caméras de surveillance sur le terrain. Bien que je connaisse l’endroit depuis plus de 20 ans, je ne voulais pas être aveuglé par mes découvertes des années antérieurs. L’objectif était de dresser un portait réaliste d’un terrain d’une superficie d’environ 6 kilomètres carrés. J’en ai profité pour rediriger quelques anciennes salines et en confectionner des nouvelles.
La stratégie d’aménagement
Ayant un milieu de petite taille, ma famille et moi concentrons davantage nos efforts sur une technique de chasse à l’affût. La raison est que nous n’avons pas beaucoup de couverts de forêt mature abritant une source de nourriture de qualité ainsi qu’une densité conviviale pour exercer une chasse fine. Dans cette situation, je trouve pertinent d’ériger plusieurs salines sur le territoire avec des aménagements de corridors de tir afin de canaliser les déplacements des orignaux. Un autre motif qui nous pousse à pratiquer la chasse à l’affût est que nous ne voulons pas ‘’brûler’’ notre territoire par notre présence et surtout via les vents dominants. Je préfère aménager plus de stations d’affût que moins afin de chasser toujours avec un vent favorable. Cette réalité me pousse à faire une dizaine de salines. D’emblée, les salines aident aussi à combler certaines carences minérales pour le gibier et de garder un trafic naturel des femelles durant l’été et même l’automne. Je dirais même que j’aime mieux photographier quelques femelles durant toute la saison sur mes salines que plusieurs mâles.
Les salines
Tel que mentionné dans le paragraphe précédent, j’accorde beaucoup d’importance à faire plusieurs salines et à les rafraichir tout au long de l’été. Ma méthode consiste à ériger des stations minérales près des zones de transition entre les sites nourriciers et les sites de repos. Au niveau des produits que j’utilise, je fais confiance aux produits Extrêmes C.G. Le contrôle de la qualité, leurs formats avantageux, l’attractivité et la richesse des produits en minéraux font en sorte que mon choix s’arrête sur ce fabricant. Principalement, j’utilise un bloc de sel combiné à un coulis et un attractant liquide dont le Bull Addik ou le Moose trail. Dans la majorité des cas, je complète le tout avec un vasière extrême. Ce produit consiste à être un mélange de sel, de minéraux et d’urine. Il est appliqué au sol dans la boue ou une vasière. Tout au long de la période estivale, je ne me gêne pas pour rafraichir mes installations.
Le moment tant attendu
Le 29 septembre 2023 était la veille de ma chasse à l’orignal familiale. Le niveau d’excitation de mes partenaires et moi étaient à son meilleur. En se rendant à notre campement. Nous avons aperçu des traces d’orignaux en provenance des montagnes voisines à notre terrain qui traversaient notre chemin principal. Nous savions à ce moment que tout était possible et que la présence d’un nouveau mâle dans le secteur était probable. Le soir même, j’ai établi un plan de match afin de berner les orignaux et de réussir à dialoguer avec eux. Mon intention était d’arpenter le lendemain matin une montagne de forêt en régénération d’une trentaine d’année. Les traces aperçues dans le chemin se dirigeaient vers ce lieu. Autour d’un repas, toute l’équipe démontra son niveau d’excitation face au lendemain matin.
Le 30 septembre au matin, les conditions gagnantes étaient réunies. Malgré la pleine lune, j’étais encouragé de croiser le chemin du roi de la forêt en raison de la gelée au niveau au sol et de la présence d’un vent léger de l’ouest. Pour m’aider à atteindre l’objectif soit de récolter un mâle mature, j’ai amené avec moi de l’urine Moose Master, de l’indicateur de vent ainsi que de l’éliminateur d’odeur. Dès 6h15, j’attaque la montagne de pieds fermes en ayant le vent de face. Bien que j’aie contrôlé mes odeurs, je préfère toujours avoir le vent de mon côté. À la suite d’une marche de 1.2 kilomètres, j’ai abouti sur un plateau où une saline était érigée. À ma grande surprise, des orignaux avaient fréquenté la veille la saline.
Vers 9h30, j’ai commencé à émettre des appels de prise de contact proche de la saline. J’en ai profité pour vaporiser sur le bloc de sel et sur un sapin de l’urine de mâle mâture. Par la suite, j’ai cassé des branches et j’ai utilisé ma corne afin d’imiter un mâle. Dans les minutes suivantes, un orignal a signifié sa présence en émettent un ébrouement. Le son provenait du bas de la montagne. Instinctivement, j’ai décidé de progresser en direction du cervidé. Pour me permettre de me rapprocher, j’ai utilisé des sons naturels dont des cris de femelle accompagné de son veau ainsi que des appels de prise de contact. Tout au long de ma démarche, je n’ai pas hésité à m’asperger de l’urine de mâle mature d’orignal afin de dissimuler mes odeurs et d’ajouter un certain réalisme. Casser des branches, émettre des ébrouements ainsi qu’agiter des bosquets m’ont permis de tisser un lien de proximité avec le groupe d’orignaux. Dans les secondes qui ont suivi, j’ai commencé à entendre les orignaux progresser vers moi rapidement. À certain moment, on pouvait ressentir qu’ils couraient envers le sommet de la montagne.
Quelques minutes plus tard, je commençais à penser que ce n’était qu’une question de temps avant de faire la rencontre des cervidés. À ce moment, un vent léger commence à tourbillonner et met en doute les orignaux. Naturellement, un vent non-favorable a pour effet de faire ralentir la cadence des gibiers et ceux-ci deviennent en alerte. Alors, j’ai tenté d’anticiper leurs déplacements à la suite de ce tourbillon d’air en direction d’un sentier surélevé à 200 mètres de moi direction ouest. Arrivé à ce sentier que j’avais défriché au préalable durant l’été, j’ai émis quelques appels de prise de contact ainsi que quelques cassages de branches dans le but de les sécuriser et de stopper leur méfiance. À ma grande surprise, deux femelles ont fait apparition devant moi dans le sentier. Je me doutais bien que le mâle serait derrière elles afin d’analyser les dangers environnants. Après avoir fait quelques sons de mâle, l’intrus a sorti du couvert dense pour me confronter. C’est à ma grande surprise que j’aperçois toute l’envergure et la splendeur de cet orignal d’âgé approximativement de 7.5 ans. Pendant plusieurs longues minutes, le mâle s’est immobilisé à 50 mètres de moi derrière les 2 femelles. Suite à l’impatience d’une des femelles, le principal intéressé s’est commis à découvert et cela m’a permis de laisser partir un projectile de calibre .300 win mag. Heureusement, la bête s’est effondré rapidement 15 mètres plus loin.
Dans les instants qui ont suivi, j’ai ressenti tellement un sentiment de fierté d’avoir déjoué cette bête. Réussir à berner un mâle de 7.5 ans arborant un panache de 47 pouces comporte son lot de défis. S’adapter à la pression de chasse avoisinante, faire attention à mes odeurs, émettre des sons réalistes et naturels aux oreilles des cervidés et ralentir ma cadence en forêt m’auront permis de me rapprocher de ce groupe d’orignaux. Quelques minutes plus tard, j’ai avisé mes coéquipiers de ma réussite et ces derniers se sont empressés de venir m’aider à sortir ce mastodonte.
Pour conclure, j’ai apprécié ma courte saison de chasse à l’orignal 2023 entouré de mes proches. Étant dans un secteur où la pression de chasse est élevée et avec une densité de cheptel relativement atténuée causée par des hivers rigoureux, je suis fier d’avoir réussi à récolter un mâle mature qui connait les chasseurs et qui réussit à se faufiler des nemrods du coin. Pour les prochaines années, mes attentes sont modérées face à la quête de mâles matures sur notre territoire familial. J’espère être en mesure de répéter l’exploit, mais le simple fait de passer du temps en famille, de profiter des grands espaces et de bien gérer mon territoire me comblera totalement.